Monsieur Mensonges

Mentir, un besoin vital

Pour Simon, mentir est comme une façon de respirer : c'est vital !

 

Donc il ment, à tout le monde et tous les jours, même aux gens qu'il ne connaît pas.
La vérité, c'est que Simon s'ennuie terriblement, il trouve sa vie morose et ennuyeuse.
Alors il s'en invente une et vit sans cesse dans la fiction.
Son but est de mentir à une personne sur quelque chose le plus longtemps possible. Son record, c'est d'avoir menti à sa femme pendant trois ans en lui faisant croire qu'il n'avait jamais couché avec quelqu'un d'autre. Evidemment, quand elle l'a su, par je ne sais quel moyen, elle l'a quitté.
Simon en fut très attristé, mais cela ne l'empêcha pas pour autant de continuer à mentir ...

 

À force, mentir est devenu comme une sorte de drogue pour lui : il ne peut plus s'en passer.
Ses proches lui conseillèrent de se confier à quelqu'un. Mais le jeune homme pensait qu'en mentant à une éventuelle personne à qui il se confierait, cela ne pourrait pas régler " ses problèmes ".
Sa mère, qui était très proche de lui, le força à aller voir une psychologue. Simon n'en avait aucune envie, bien-sûr. Pour lui, les gens qui allaient voir des psys étaient des dépressifs ou encore ceux qui n'arrivaient pas à régler leurs problèmes seuls.
Mais c'était peut-être son cas en fin de compte : il était incapable de résoudre ses problèmes seul

 

En cette journée pluvieuse d'octobre, Simon prit sa petite voiture grise, et conduisit jusqu'à un vieil immeuble délabré. Il sortit de sa voiture et se dirigea vers l'entrée. Il monta les escaliers jusqu'au dernier étage du bâtiment. Il arriva devant une porte sur laquelle était inscrit : " Madame Beauvois, psychologue professionnelle ".

 

Simon sonna, et une femme d'une trentaine d'années lui ouvrit.

 

- Bonjour, vous êtes bien Monsieur Brédant ?

 

- Oui c'est moi. Simon était arrivé à ne pas mentir sur ce coup-là.

 

- Entrez, je vous prie, lui dit-elle en lui serrant la main chaleureusement.

 

Simon pénétra dans une petite salle mal éclairée avec deux fauteuils en face à face.  Cela avait tout l'air d'être un bureau de consultation. La psychologue invita son patient à s'asseoir sur un fauteuil.

 

- Alors ? Pouvez-vous m'expliquer la raison de votre visite, Monsieur Brédant ?

 

- Eh bien, depuis que ma femme m'a quittée, j'ai sombré peu à peu dans l'alcool et le tabac.


Bien évidemment, Simon mentait.

 

- Et voudriez-vous que votre situation change ?

 

- Bien sûr, sinon je ne viendrais pas vous consulter.


Simon avait envie de tester la psychologue, de voir jusqu'où il pouvait aller dans ses mensonges pour la faire craquer. Un blanc s'installa, cela dura cinq minutes.

 

- Maintenant, Monsieur Brédant, vous allez vous lever et vous regarder dans ce miroir, lui demanda la psychologue.

 

Simon lui obéit et se leva pour aller se voir dans le miroir ; il se demandait bien pourquoi elle lui demandait de faire ça.

 

- Regardez-vous bien pendant une minute.

 

Simon trouva la démarche stupide mais le fit quand même. Il se voyait lui, ses cheveux châtains, ses yeux verts, sa silhouette un peu enrobée, sa taille moyenne, ses grandes mains un peu squelettiques.
Il avait toujours un peu complexé sur son physique à cause de son embonpoint. Il n'aimait pas sa silhouette et se trouvait laid.

 

- Maintenant, dites-moi ce que vous voyez ?

 

La question était stupide, qui voulait-elle qu'il voit d'autre que lui ?
Néanmoins, Simon lui répondit tout de même d'une voix nonchalante :

 

- Euh ... Bah je me vois, moi.

 

- Oui mais que voyez-vous d'autre, je veux dire par là. Quelle image avez-vous de vous-même ?

 

Mais qu'attendait-elle de lui ?

 

- Je ... Je vois un ...

 

- Oui ? Continuez.

 

- Un menteur ...

 

Le miroir

 

- Que voulez-vous insinuer ?

 

- Eh bien, c'est très simple, depuis aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours menti ...

 

- Et pourquoi faites-vous ça ?

 

- Si seulement je le savais ...

 

- Avez-vous déjà essayé de dire la vérité ?

 

- Oui bien-sûr, et j'y suis parvenu, mais ce n'est pas agréable pour moi en fait.

 

- Pourquoi ressentez-vous ce besoin de mentir ?

 

- Je n'en ai aucune idée.

 

- Qu'est-ce que vous ressentez lorsque vous mentez ? Je veux dire par là, qu'est-ce que ça vous apporte ?


- Arrêtez de me poser des questions dont je ne connais pas la réponse !


- Mais Monsieur, si vous êtes ici, est ce que ça ne serait justement pas pour trouver ces réponses à ces questions ?


- Si, peut-être ...


- Alors continuez à répondre à mes questions s'il vous plaît.

 

 

Crédits photographiques : Jacqueline Macou.